Créez des expériences de paiement sécurisées et innovantes grâce à la tokenisation des paiements
Mehdi Elhaoussine, SVP Digital Payment chez IDEMIA Secure Transactions, s’est récemment entretenu avec Matt Barr, expert en tendances et technologies de paiement, sur les priorités stratégiques des réseaux de paiement domestiques et sur les tendances aux évolutions rapides qui influencent leur roadmap technologique.
Voici un aperçu des principaux points à retenir de cet entretien :
Matt Barr: Nous observons une transition inexorable des paiements en espèces vers les paiements électroniques, ce qui inclue l’utilisation des cartes physiques et des portefeuilles mobiles, souvent encouragée par les gouvernements qui s’attaquent à la corruption, à la fraude et aux marchés noirs. Pour les consommateurs, cela se traduira par une plus grande simplicité et davantage de contrôle. Les cartes physiques joueront encore un rôle, même si leur croissance restera probablement modérée. Selon certaines estimations, l’argent liquide représente encore environ 75 % des dépenses de détail dans le monde. La pénétration grandissante des services financiers officiels dans la population mondiale entraînera une croissance des produits traditionnels et digitaux, ainsi que l’émergence de solutions nouvelles et adaptées.
Parallèlement, le paysage des paiements électroniques évolue, allant au-delà des simples transactions pour évoluer vers des expériences plus riches, axées sur les portefeuilles mobiles et digitaux. Cette évolution a entraîné une augmentation de l’utilisation des portefeuilles digitaux et une concurrence accrue, notamment de la part des acteurs technologiques se font leur place dans l’écosystème des paiements. Les portefeuilles digitaux sont particulièrement bien placés pour capter une part croissante des paiements électroniques, du fait de de leur fluidité d’intégration et de leurs fonctionnalités centrées sur l’utilisateur.
Matt Barr: Aussi bien au niveau domestique qu’à l’échelle transfrontalière, l’émergence de multiples rails de paiement, notamment avec les technologies s’appuyant sur la blockchain et les crypto-monnaies (y compris les monnaies digitales des banques centrales ou CBDC), génère une nouvelle dynamique souvent qualifiée de « bataille des rails ». Cependant, malgré leur potentiel, il est peu probable que ces nouveaux rails en viennent à remplacer rapidement ou fondamentalement les réseaux établis. Les cartes telles qu’on les connait ou les transferts de compte à compte en temps réel resteront prédominants, à moins que les nouveaux rails ne répondent à un besoin spécifique pour les commerçants et les consommateurs et soient en mesure d’offrir les mêmes fonctionnalités et la même fiabilité que les systèmes existants.
Dans ce contexte de transformation, les innovations digitales en matière de données, d’open banking, d’intelligence artificielle (IA) et d’apprentissage automatique, ouvrent de nouvelles perspectives, créent de nouvelles opportunités et redéfinissent la nature de la concurrence dans le domaine des paiements. Une autre grande tendance sera le renforcement de la sécurité et de l’authentification. Sans nul doute, la transformation digitale conduira à un changement inévitable de la nature des risques de fraude et entraînera une vigilance accrue des autorités de régulation en ce qui concerne la protection des consommateurs. La généralisation des solutions d’authentification biométrique sera un élément essentiel pour répondre à ces enjeux. De même, la tokenisation sera primordiale pour réduire les risques liés aux données de paiement stockées.
Matt Barr: Les consommateurs exigeront de plus en plus des systèmes pratiques et rapides, avec une préférence pour les paiements sans contact (paiements NFC ou via des codes QR) ou l’enregistrement de leur carte (card-on-file ou CoF en anglais) pour les paiements récurrents. Les paiements en temps réel deviennent une exigence, même s’il est à noter que l’accès aux fonds en temps réel ne signifie pas forcément un règlement immédiat. La croissance de la finance intégrée améliorera le parcours des utilisateurs et transformera la concurrence. L’expérience de l’utilisateur (UX) sera déterminante. Ceux qui contrôleront l’expérience du client seront probablement les gagnants à long terme. Là encore, les portefeuilles digitaux sont bien placés pour capturer une part croissante de la valeur, à moins que les régulateurs n’interviennent.
Matt Barr: Les efforts d’inclusion financière favorisent l’expansion des services financiers officiels auprès d’une plus grande partie de la population mondiale. Cette croissance alimente la demande de produits traditionnels et digitaux, mais aussi pour nouvelles solutions adaptées aux besoins spécifiques des marchés en voie de développement.
Les questions de respect de l’environnement et les critères ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) seront probablement plus que jamais au cœur des préoccupations et des préférences des consommateurs. Aujourd’hui, ce sont des éléments moteurs qui apparaissent dans les marchés développés, mais l’augmentation de la richesse mondiale contribuera à leur adoption à plus large échelle.
Enfin, l’importance croissante de la souveraineté pour les gouvernements et les entreprises soulève des questions cruciales sur la résilience, l’efficacité et la concurrence, d’autant plus que les préoccupations en matière de confidentialité des données liées à des acteurs digitaux étrangers amplifient les risques liés à la souveraineté.
Matt Barr: Les réseaux de paiement domestiques occupent une place de plus en plus centrale dans les économies nationales à mesure que l’importance des paiements électroniques de détail ne cesse de croître. En réponse à la demande de souveraineté des gouvernements et des entreprises, un élan nationaliste croissant pousse à repenser les accords de paiement locaux, soutenues par des réglementations imposant un traitement des transactions sur le territoire pour renforcer le contrôle et la sécurité. Cette dynamique réglementaire offre aux réseaux domestiques une opportunité unique de renforcer leur position, car ils sont naturellement en ligne avec les objectifs de préservation de la souveraineté des systèmes de paiement et de protection des données sensibles des consommateurs et des pays. En tirant parti de leur proximité avec les marchés locaux et de leur capacité à innover dans un cadre sécurisé, les réseaux domestiques sont bien placés pour relever les nouveaux défis tout en jouant un rôle central dans la création d’écosystèmes de paiement résilients et efficaces.
Matt Barr: Au cours des trois prochaines années, je pense que les réseaux de paiement domestiques devraient concentrer leur stratégie sur 5 grandes priorités.
1. Consolider leur cœur d’activité
Il est essentiel pour les réseaux de paiement de continuer à privilégier l’excellence opérationnelle, c’est-à-dire la manière dont ils servent leurs clients et génèrent des revenus aujourd’hui. Cet objectif doit rester une priorité absolue, en saisissant chaque opportunité d’améliorer les systèmes et d’optimiser à la fois la rapidité et la valeur des transactions.
2. Être présent sur tous les flux
Les réseaux de paiement doivent investir pour être compétitifs sur les segments stratégiques, en particulier en ligne et sur mobile, où se joue la majeure partie de la croissance des transactions. Cela peut nécessiter une refonte des architectures réseau, notamment en s’appuyant sur les paiements instantanés de compte à compte, ainsi que le déploiement de capacités avancées pour protéger les clients et les utilisateurs finaux, telles que la détection des fraudes, l’authentification forte et la tokenisation.
3. Changer la donne
Les réseaux de paiement disposent de plusieurs leviers pour transformer le marché. Par exemple, en s’affranchissant des rails de cartes traditionnels dominés par des acteurs internationaux, ils peuvent élargir l’acceptation des paiements et renforcer leur position concurrentielle. Cela leur permettrait de répondre aux attentes des commerçants et des consommateurs en enrichissant l’expérience d’achat grâce aux super apps, tout en créant des opportunités d’interopérabilité avec les réseaux domestiques d’autres marchés.
Il existe de nombreuses similitudes entre la gestion d’un réseau de paiement et celle d’une plateforme d’identité digitale. Les réseaux de paiement doivent tirer parti de ces synergies et s’assurer de jouer un rôle clé dans l’écosystème digital en devenir de leur pays. Ils doivent également anticiper l’essor des super wallets pour peser sur l’avenir digital national. À défaut, un autre acteur les devancera et s’imposera dans ce domaine.
4. Exploiter l’avantage de souveraineté
Les réseaux de paiement doivent collaborer avec les autorités de régulation afin que le cadre réglementaire favorise l’efficacité, la résilience, l’innovation et la concurrence. Ces objectifs ne devraient pas être sujets à controverse, et ils seront d’autant plus atteignables si l’alternative domestique aux réseaux internationaux est viable et dynamique.
Il est important de noter que, dans de nombreux cas, les consommateurs ne choisissent pas vraiment leur réseau de paiement (et ne cherchent pas à le faire) ; ils utilisent simplement celui mis à leur disposition par leur banque. En réalité, ce sont donc les émetteurs qui déterminent le réseau privilégié.
De plus, les réseaux internationaux verrouillent souvent les accords d’émission via des contrats de remises à long terme, rendant la concurrence quasi-impossible pour les acteurs domestiques qui n’ont pas accès aux volumes transfrontaliers. Cela pousse les émetteurs à exiger des frais d’interchange élevés et des volumes maximaux pour optimiser leurs remises, ce qui nuit à une concurrence saine au niveau domestique.
Les commerçants, quant à eux, supportent le coût des transactions. Or si les frais d’interchange sont souvent réglementés, ce n’est pas le cas des frais de réseau (généralement répercutés sur les commerçants par les acquéreurs et non remisés par les réseaux internationaux). Donner aux commerçants la possibilité de choisir comment traiter les transactions devient donc un levier essentiel pour encourager la concurrence et faire pression à la baisse sur les frais de service. En l’absence de choix, les commerçants subissent les prix, ce qui freine le développement des solutions locales.
5. Atteindre un équilibre dans la gouvernance
Faute d’un modèle de gouvernance équilibré prenant en compte à la fois les intérêts des consommateurs et des commerçants, les réseaux de paiement domestiques auront du mal à définir une stratégie optimale pour l’ensemble des parties prenantes.
IDEMIA Secure Transactions joue un rôle clé en aidant les réseaux de paiement domestiques à rester compétitifs et à innover. En tant que premier fournisseur indépendant de services de tokenisation (TSP) au monde, nous accompagnons les réseaux avec des solutions digitales sécurisées et évolutives, telles que la tokenisation, Click to Pay et les technologies de paiement sans contact de nouvelle génération. Grâce à des partenariats stratégiques, nous permettons aux réseaux domestiques d’accélérer leur transformation digitale et de redéfinir l’avenir des paiements, aussi bien à l’échelle locale que mondiale.
Au cours de ses huit années chez Mastercard, Matt Barr a occupé plusieurs postes stratégiques dans le développement de marché, les paiements digitaux et l’innovation en Australie et en Amérique du Nord. En 2019, il a rejoint eftpos (réseau domestique désormais intégré à Australian Payments Plus) en tant que Chief Product Officer, avant d’en devenir le Managing Director en 2022.
Mehdi Elhaoussine a rejoint IDEMIA il y a 14 ans pour développer les activités digitales de la région Amériques, depuis Washington DC, aux États-Unis. Il dirige aujourd’hui les activités mondiales de paiements digitaux au sein d’IDEMIA Secure Transactions, en tant que SVP Digital de la business unit Payment Services. Il a débuté sa carrière internationale dans plusieurs Fintechs spécialisées en logiciels de paiement ainsi que dans des cabinets de conseil en stratégie, en France et à Singapour.